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03.04.2020

Lettre ouverte au Préfet du Gard

Au marché de Villevielle

Voici plus de deux semaines que le pays est plongé dans une crise sans précédent et que nos concitoyens restent chez eux pour se protéger et protéger les autres. Tout est à l’arrêt. Nous comprenons et soutenons ces mesures de confinement quand elles sont justes et justifiées. Mais sur nos fermes il n’y a pas beaucoup de changements. Nous travaillons toujours dehors, seuls ou à plusieurs, parce que le vivant lui ne s’arrête pas. Les animaux mangent, mettent bas, produisent du lait, les plantes poussent, les fruits mûrissent, et le Coronavirus n’y changera rien.

Nous ne pouvons pas arrêter nos productions mais le Premier ministre a voulu arrêter les marchés. En tant que son représentant dans le département, vous avez appliqué ses directives. Aujourd'hui, quelle que soit la manière dont on le présente, la majorité des marchés du Gard sont fermés. Seules 25 dérogations sur 77 demandes ont été accordés et pour les seuls villages n'ayant pas de commerce. Cela constitue pour tous les autres une distorsion de concurrence sans précédent et inacceptable. Les productions qui devaient y être vendues ne le sont pas. Les dégâts s'annoncent conséquents.
Nous vous avons déjà écrit la semaine dernière pour vous demander la réouverture des marchés. Comme aujourd'hui, nous avions joint à notre demande le travail réalisé par la Confédération paysanne nationale et la Fédération des marchés qui donne tous les outils nécessaires pour des marchés parfaitement sécurisés. C'est ainsi que des marchés rouvrent partout en France, de nos voisins lozériens aux grandes villes que sont Lille, Nantes ou Grenoble.
Il faut l'avouer, Monsieur le Préfet, nous avons du mal à comprendre : comment peut-on envisager que les produits en libre-service, les caddies, les tapis de caisse… soient plus sûrs qu'un vendeur de marché, seul à toucher aux produits dans un espace aménagé et surveillé pour conserver des distances suffisantes entre les personnes ? Comment vous, représentant de l'État, pouvez considérer que la sécurité sanitaire et alimentaire des Gardois doit être confiée à des acteurs privés plutôt qu'aux paysans et aux pouvoirs publics (mairies, gendarmeries, etc.) ?
Les annonces sur les marchés se sont succédé toute la semaine dernière. Il est temps de prendre une décision claire, une décision qui apportera une solution collective et maîtrisée, en proposant un accompagnement à tous les maires qui souhaitent permettre à leur population de s'alimenter auprès des paysans locaux en rétablissant leur marché.
Nous avons bien eu connaissance, Monsieur le Préfet, de votre courrier engageant les grandes et moyennes surfaces à « consommer local ». Sachez seulement que personne n'est dupe de ce genre de déclaration d'intention. Vous savez aussi bien que nous qu'il n'y a, dans les bottes d'asperge qui s'affichent en rayon, qu'un effet d'annonce qui, si elle sauve quelques-un d'entre nous, ne répondra pas à l'ensemble des situations. Notre confiance envers les GMS est plus que mesurée étant donné qu'elles nous tondent la laine sur le dos depuis cinq décennies. Leur "solidarité" ne peut se faire aux dépends de la nécessaire rémunération du travail des paysans.
En parallèle, nous apprenons de nos réseaux, que des clients se rendant sur des fermes pour faire leur course se font rabrouer, parfois verbaliser au motif qu'ils ont une grande surface à coté de chez eux. Cette situation est inadmissible et tout à fait contraire aux indications que nous recevons de la part du ministère de l'Agriculture. Nous souhaitons donc que vous demandiez à vos agents d'y mettre fin et que les amendes de ces clients soient annulés.
Enfin, il est de votre responsabilité, Monsieur le Préfet, de faire en sorte que notre département puisse faire face à cette crise qui n'est pas encore tout à fait arrivée jusqu'à nous. Nous vous demandons de mettre en place une véritable cellule de crise dans laquelle, avec l'ensemble de la profession, nous pourrons chercher des solutions aux problèmes qui ne manqueront pas de se poser : situation des paysans malades, service de remplacement, fermeture d'outils nécessaires au travail, sécurité alimentaire de la population et débouchés des productions, etc.
Nous vous demandons aussi d'agir pour sécuriser les productions en difficulté en intervenant auprès de la Draaf pour que soient rouverts les ateliers de transformation (notamment à Florac), seule solution souvent pour ne pas jeter ce qui ne peut pas être vendu.
Pas un paysan en moins après la crise, c'est notre objectif. Merci de nous aider à le réaliser.
Dans l'attente de votre réponse, veuillez recevoir nos salutations respectueuses.


Pour la Confédération paysanne du Gard
Paul Ferté, Porte-parole

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